Le retour du bar rayé dans le fleuve Saint-Laurent
Le bar rayé est un poisson typique des estuaires de la côte est de l’Amérique du Nord, mondialement classé comme répandu et abondant. Depuis le 19e siècle, la population de bar rayé de l’estuaire du Saint-Laurent a connu une pression de pêche intense. Très combatif, ce poisson a été un élément important de la pêche commerciale et a fait le bonheur des pêcheurs récréatifs. Néanmoins, à la fin des années 1960, cette pression de pêche, le braconnage et les altérations importantes de certains habitats ont amené la population de l’estuaire à disparaître complètement.
En 2004, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a évalué cette population et l’a désignée disparue. Pêches et Océans Canada s’est alors joint au gouvernement du Québec et aux partenaires concernés afin de créer une équipe de rétablissement qui a ensuite fixé des objectifs et proposé des approches à mettre en place. En septembre 2011, le Programme de rétablissement du bar rayé (Morone saxatilis), population de l’estuaire du Saint-Laurent, était publié par Pêches et Océans Canada. Il précisait ce qui devait être réalisé, au cours des prochaines années, afin de rétablir cette population.
Réintroduire et observer
Un programme de réintroduction, comprenant la reproduction en pisciculture, a été développé à partir de bars rayés capturés dans la rivière Miramichi au Nouveau-Brunswick. Entre 2002 et 2015, plus de 19 600 bars rayés, juvéniles et adultes, et 34 millions de larves ont été ensemencés par le gouvernement du Québec. Une nouvelle population de bar rayé s’est implantée dans l’estuaire du Saint-Laurent.
Afin de suivre l’évolution du rétablissement du bar rayé et d’identifier les habitats utilisés par celui-ci, de nombreux projets d’acquisition des connaissances ont été mis sur pied avec la collaboration de tous. Un vaste réseau de suivi des déplacements par télémétrie des individus matures a permis de cibler des aires de concentration hivernales, d’identifier des lieux de rassemblement pendant la période de reproduction, de connaître certains déplacements estivaux et de découvrir des lieux de rassemblement importants insoupçonnés. Cette information, avec le travail réalisé sur le terrain, nous a servi à comprendre l’utilisation de certains secteurs précis. Différents réseaux de suivi des jeunes de l’année nous ont aussi procuré de précieux renseignements.
Reproduction confirmée!
Ces études ont aidé, entre autres, à cibler des secteurs où se concentrent les reproducteurs en période de frai. En 2008, le constat que la population réintroduite se reproduisait naturellement dans le fleuve a été fait et, en 2011, des travaux sur le suivi des déplacements des bars rayés reproducteurs confirmaient une première frayère dans l’embouchure de la rivière du Sud, à Montmagny. D’autres zones d’importance pour la reproduction, telles la baie de Beauport et la rivière Ouelle, ont aussi été confirmées.
Des travaux en cours nous permettront de déterminer la délimitation et la fonction de ces habitats. Outre les zones de reproduction, les connaissances sur l’utilisation des habitats dans le Saint-Laurent, par les différents stades de développement du bar rayé, se sont grandement accrues au cours des dernières années. Ces connaissances serviront à protéger les habitats essentiels pour les différents stades de vie du bar rayé, population de l’estuaire du Saint-Laurent.
Reprendre tranquillement sa place
En 2012, le COSEPAC a revu la situation de cette population et a reconnu l’augmentation constante de son abondance et de sa répartition. Vu le caractère récent de cette situation et les incertitudes qui en découlent, il lui a attribué le statut d’espèce en voie de disparition et l’a renommée « population du fleuve Saint-Laurent ».
Récemment, plusieurs observations de bars rayés ont été signalées par le public dans tous les secteurs du Saint-Laurent. On peut donc affirmer que le retour du bar rayé du fleuve est un succès pour la biodiversité du Saint-Laurent. Tous les espoirs sont permis!