La crevette nordique dans le rouge
Dès le début de l’exploitation de la crevette nordique, dans les années 1970, les débarquements de cette espèce dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent avaient connu une hausse progressive, et ce, pendant longtemps. Les débarquements étaient notamment passés de 10 000 tonnes en 1985 à plus de 35 000 tonnes en 2010. Toutefois, depuis ce temps, ils sont en diminution et n’ont atteint que 22 000 tonnes en 2017.
La pêche à la crevette est très importante pour les communautés côtières du Québec. Les pêcheurs québécois ont débarqué pour 28 millions de dollars de cette espèce en 2017. C’est la troisième en importance en matière de valeur au débarquement, après le crabe des neiges et le homard.
La diminution de biomasse de crevette est observée par les pêcheurs et par les scientifiques de Pêches et Océans Canada (MPO). Elle affecte plus de 100 pêcheurs du Québec, des provinces atlantiques et des Premières Nations.
- Les pêcheurs notent que les prises par unité d'effort de la pêche commerciale continuent de diminuer et se situent actuellement à des valeurs comparables à celles enregistrées au début des années 2000. De plus, certains secteurs de pêche traditionnels ont été délaissés par les pêcheurs en raison de la faible biomasse de crevettes.
- Le MPO remarque pour sa part que l'estimation de la biomasse lors du relevé scientifique se rapproche des faibles valeurs observées au début des années 1990. Une diminution de la superficie des zones de concentration de la crevette est également notée.
Débarquement et total autorisé des captures par zone de pêche
Trois facteurs pourraient expliquer ce déclin :
- Le recrutement de la crevette, soit le nombre de juvéniles, est faible depuis quelques années.
- La température de l’eau où vivent les crevettes est à la hausse. La crevette nordique est une espèce d’eau froide et on la retrouve maintenant dans des eaux plus chaudes de 1o Celsius. L’espèce est vulnérable au réchauffement de son environnement.
- La prédation sur la crevette a augmenté de façon importante au cours des trois dernières années. Cette augmentation est due à l’arrivée massive du sébaste dans l’écosystème du Saint-Laurent. On remarque une abondance du sébaste qui n’a jamais été observée dans le relevé scientifique du MPO.
En 2017, selon l’approche de précaution, les stocks de crevettes de l’Estuaire et de Sept-Îles se situaient dans la zone de prudence. C’est la première fois que cette situation se produit depuis 1996. Les stocks de crevettes d’Anticosti et d’Esquiman, pour leur part, étaient encore dans la zone saine, mais commencent à se rapprocher de la zone de prudence.
Les perspectives pour les stocks de crevettes nordiques dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent sont peu encourageantes étant donné le faible recrutement, le réchauffement de l’eau et l’augmentation de la prédation par le sébaste. À court terme, la tendance à la baisse de ces populations devrait se poursuivre.
Hugo Bourdages
Sciences
Équipe de scientifiques à bord du NGCC Teleost.
Bateau de pêche à la crevette.